La décision unilatérale du chef de l’Etat de reporter la tenue de l’élection présidentielle reste une pilule qui a du mal à passer. Du reste, une bonne partie de l’opposition, de la société civile et des citoyens ne veut même pas en entendre parler
Ils sont suivis dans ce refus de modification du calendrier électoral par la communauté internationale. Même la très prudente Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) hausse le ton et dit se démarquer de « toute action ou déclaration qui pourrait aller à l’encontre des dispositions de la Constitution du pays ». Elle rappelle à la classe politique ce qui est sa « responsabilité dans le maintien de la paix et de la stabilité dans le pays ».
Washington, par la voix du président de la commission sénatoriale des relations étrangères, note que le report du scrutin présidentiel « place le pays sur une voie dangereuse vers la dictature et ne doit pas être toléré ». Pour lui, l’attitude du président Macky Sall est un « mépris flagrant (…) pour la constitution sénégalaise ».
Un Macky Sall qui s’est réfugié dans un silence aussitôt sa bombe lancée contre la démocratie sénégalaise. C’est à sa coalition politique « Benno Bokk Yaakaar » et aux partisans de Karim Wade, réunis au sein de groupe politique « Wallu Sénégal » qu’il laisse la bien ingrate tâche d’expliquer au monde en quoi la non-tenue de l’élection va contribuer à consolider la démocratie.
Ce qui se passe au Sénégal est un drame de la gouvernance en Afrique. C’est à croire que bien de palais présidentiels sont hantés par des esprits maléfiques, à l’affût pour faire basculer leurs locataires dans le mauvais sens de l’histoire.
Mais elle est bien têtue l’histoire. Le président Mamadou Tanja du Niger s’était octroyé une rallonge de son mandat à la tête du pays. Mais ce ” tazartché ” n’aura duré que 56 jours ! Bien malgré lui.
C’est cette même tentation du bonus illégitime qui a eu raison du président Blaise Compaoré, obligé de partir un an avant la fin de son mandat qu’il tenait à prolonger à la présidence du Burkina Faso.
Alors, qui pour conseiller au président sénégalais de se débrouiller pour arrêter les frais dès à présent ? Peut-être Marième Faye Sall, son épouse dont il se dit qu’elle est une conseillère avisée et écoutée de son mari de président ? Ou encore les chefs religieux dont les médiations lui ont, plus d’une fois, permis de sauver son fauteuil face à la furie de ses opposants ?
Et pourquoi pas Macky Sall lui-même ? Il ne faut pas désespérer de l’homme, même quand il est momentanément dans des postures désespérantes.
Aujourd’hui, ce n’est point le sort de Macky Sall qui doit être une préoccupation. Mais bien celui du Sénégal, un de ses îlots de stabilité dans une Afrique de l’ouest tourmentée, où le moindre désordre peut être un appel d’air pour les groupes armés qui écument la région.
Yacouba Ouédraogo
Kamanews.net