« Le gouvernement est dissous » ! Elle a sonné comme une sentence, cette annonce, faite lundi soir sur la télévision publique guinéenne, par le Secrétaire général de la présidence, général Amara Camara, entouré d’une vingtaine de militaires en tenue, dont certains masqués et portant des armes.
Aucune raison n’est donnée sur cette décision du Président Mamadi Doumbouya de se défaire de son gouvernement. Mais tout porte à croire que la multiplication des tensions dans le pays y est pour beaucoup.
Coupure d’Internet, pénurie de carburant, brouillage des ondes des stations de radio et de télévision, menace de grèves des syndicats, c’est comme qui le dirait, « à chaque jour son problème ».
Un imbroglio dans la gestion duquel le président de la Transition semble bien esseulé, son gouvernement étant incapable de lui servir de béquilles pour trouver des solutions viables.
Et comme si ceci expliquait cela, il faut ajouter ce qui ressemble bien à une cacophonie gouvernementale, avec des échanges épistolaires entre ministres qui ont fini par se retrouver sur la place publique.
Le dernier cas en date est relatif aux inquiétudes du Premier ministre, qui demandait à son ministre de la Justice de mettre fin à la multiplication de procédures judiciaires contre de hauts fonctionnaires.
Réponse de ce dernier : « sur votre demande de suspendre toutes les procédures engagées, je suis au regret de rappeler que l’action publique ne peut être ni interrompue, ni suspendue ou éteinte par l’instruction du pouvoir exécutif, et toute insistance dans ce sens serait une entrave à la justice, constitutive d’infraction à la loi pénale, avant d’être une atteinte grave au principe de séparation des pouvoirs. Le Président de la République, en tant que garant de la stabilité et de l’équilibre des institutions, ne saurait tolérer une telle violation de la part de quelques autorités que ce soient ».
C’est à croire que le président est en vacances, pour que des ministres se livrent à un tel pugilat sur la place publique.
Que faut-il attendre à présent ? L’annonce de la dissolution du gouvernement a été faite avec un décor qui rappelle, en partie, celui de l’annonce de la prise du pouvoir par les militaires le 5 septembre 2021. Le message se veut donc sans ambiguïté : les propriétaires de la chose reprennent leur chose !
Le président Doumbouya veut réinstaurer une cohésion au sein de son gouvernement. « Bien de soucis auxquels il est confronté dans la gestion du pays sont dus au fait que chacun de ses ministres se croit habilité à faire comme bon lui semble », confie un observateur de la scène politique en Guinée.
Ce peut être excessif comme lecture, mais c’est une indication sérieuse de l’image que le gouvernement donne, par son attitude, à une partie des Guinéens.
Mais bien plus, le chef de l’Etat guinéen se doit de trouver de vraies réponses aux questions qui se posent, à quelques mois de la fin de la Transition prévue pour décembre 2024 au plus tard.
Avec cette possibilité de reprise en main que Mamadi Doumbouya s’offre, il faut espérer l’ouverture prochaine d’un vrai dialogue politique pour que les élections à venir se tiennent dans un climat serein.
Il faut rassurer tout le monde : les partenaires extérieurs de la Guinée et, bien entendu, les Guinéens qui aspirent à la tranquillité, au développement.
Yacouba Ouédraogo
Kamanews.net