Cedeao : la doctrine du « fais comme bon te semble » est née

Ils avaient vendu la mèche avant de se retrouver.  Réunis en sommet extraordinaire le samedi 24 février à Abuja au Nigéria, les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres de la Cedeao ont levé, ici et maintenant, les sanctions jadis imposées au Burkina Faso, à la Guinée, au Mali et au Niger.

Une magnanimité sans contrepartie, qui l’eût cru ? Du bout des lèvres, l’organisation sous-régionale marmonne une prière, une supplique, presqu’à genoux, demandant à la bande des quatre de revenir sous l’arbre à palabre. La Cedeao a, probablement, oublié que c’est elle-même qui les avait chassé de ses instances, pour comportement intolérable.

Mais ça, c’était avant. Bien avant le sommet de Samedi qui marque, à coup sûr, un tournant décisif dans la vie de la l’organisation.

Ce qui était interdit ne l’est plus. L’oracle, consulté par les chefs d’Etat et de gouvernement, a sans doute dit que les coutumes ont changé. Les fétiches ne veulent plus se mêler de la question de la dévolution du pouvoir politique dans les États membres. Que chacun fasse comme bon lui semble, pourvu qu’il s’en sorte.

Aux oubliettes le protocole sur la bonne gouvernance et la démocratie qui indique, dès son article 1er et sans ambiguïté, que « toute accession au pouvoir doit se faire à travers des élections ». Le même article précise que « tout changement anticonstitutionnel est interdit de même que tout mode non démocratique d’accession ou de maintien au pouvoir ».

Les mauvaises langues diront que la Cedeao vient de se faire un coup d’Etat à elle-même, en décidant de ne plus s’en tenir à ses propres textes. Cette même prise de liberté vis-à-vis de la règlementation qu’elle reprochait aux régimes tenus par des militaires dans son espace.

Une nouvelle doctrine est donc née, et c’est avec grand intérêt que les manœuvres de la Cedeao sont à suivre dans les jours à venir. Se donnera-t-elle encore la peine d’exprimer la moindre inquiétude sur le jeu politique interne aux Etats membres ? Que peut-elle faire de cohérent, si au Sénégal, par exemple, Macky Sall décidait de n’en faire qu’à sa guise ?

Le monde change et les grandes organisations semblent avoir de la peine à faire face aux enjeux nouveaux. La Cedeao a certainement des textes qui méritent d’être toilettés, mais l’on peut poser la question de l’existence d’une ressource humaine apte pour la piloter et convaincre la grande famille de partager les mêmes valeurs. La sous-région n’a plus ces grands hommes qui, en dépit de tout, avaient réussi à tracer les sillons du projet de vivre-ensemble.

Les mal-aimés qui s’en vont et le monde s’effondre, ainsi peut être résumée la réalité de la Cedeao au sortir du sommet de ce week end à Abuja. C’est bien le refus des bannis, principalement du Niger, du Mali et du Burkina, de se soumettre à son diktat qui est en passe de faire voler en éclat l’apparent solide édifice d’une cinquantaine d’années.

Yacouba Ouédraogo
Kamanews.net

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